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Interview avec Daniel Stieber, docteur biologiste moléculaire et responsable de l’unité de génétique moléculaire au Centre National de Génétique au Laboratoire national de santé.

Le docteur Daniel Stieber est un biologiste moléculaire et responsable de l’unité de génétique moléculaire au Centre National de Génétique au Laboratoire  national de santé. Son équipe analyse l’ADN * à la recherche de mutations génétiques responsables de maladies.

Le cancer est toujours une maladie du génome due à une accumulation de mutations génétiques. Souvent, ces mutations peuvent apparaitre de façon sporadique, par hasard (le mécanisme de copie de l’ADN lors de la reproduction des cellules n’étant pas complètement parfait, des erreurs de copie peuvent apparaître). Ou bien elles peuvent être présentes de façon constitutionnelle, dans toutes les cellules du corps, il s’agit alors d’une prédisposition héréditaire au cancer. Dans ce cas, la probabilité qu’un cancer se développe est nettement plus grande.

Il existe des facteurs environnementaux qui induisent la formation de mutations et peuvent dès lors mener au développement d’un cancer. Les plus connus sont sans doute les rayons UV qui peuvent être à l’origine d’un cancer de la peau ou le tabagisme qui peut être à l’origine de cancer du poumon.

Dans le cadre du cancer du sein, une majorité des cancers est sporadique, dus à des mutations acquises au cours de la vie. Contrairement aux types de cancer mentionnés plus haut, il n’y a pas de facteurs environnementaux clairement associés à la mutagenèse dans le cancer du sein. Cependant, différents facteurs peuvent avoir une incidence sur le risque au cours de la vie de développer un cancer du sein. Citons p.ex. la consommation d’alcool, l’obésité ou l’histoire reproductive. Les cancers sporadiques sont généralement d’apparition plus tardive (>50 ans). 

Une minorité (+/- 15%) de cancers du sein sont familiaux ou héréditaire: dû à des mutations génétiques héritées. Les gènes mutés les plus connus dans ce contexte sont BRCA1 et BRCA2 mais d’autres gènes de prédisposition au cancer existent. Les cas héréditaires de cancer du sein sont souvent caractérisés par une agrégation familiale et sont en général d’apparition plus précoce. 

Des mutations génétiques dans les gènes de prédisposition au cancer (comme BRCA1 et BRCA2) augmentent la probabilité de développer un cancer du sein de façon considérable (risque de cancer du sein au cours de la vie de 50 à 80%). Cependant il ne s’agit pas d’un déterminisme complet, il existe donc des porteurs de ces mutations qui ne développeront jamais de cancer (en génétique on parle de pénétrance incomplète).  Par ailleurs, le risque de développer d’autres formes de cancer est également augmenté (p.ex. 20 à 40% de risque de développer un cancer de l’ovaire, risque accru de cancer de la prostate et du pancréas). 

En cas de suspicion clinique d’une situation de cancer héréditaire, une consultation d’oncogénétique est indiquée.  Lors de cette consultation, des médecins spécialistes en génétique humaine procèdent à une anamnèse familiale approfondie et, si indiqué, proposeront la réalisation d’une analyse de génétique moléculaire (basé sur une prise de sang). Les résultats de cette analyse seront par après discutés dans une deuxième consultation dédiée. Si une mutation délétère dans un gène de prédisposition au cancer est mise en évidence, une analyse génétique à la recherche de cette mutation pourra être proposée chez les apparentés à risque.  Des actions de réduction de risque comme un screening mammaire régulier (par IRM) ou une chirurgie préventive seront également discuté et mises en œuvre suivant les guidelines. 

D’autre part, il est à noter que les analyses génétiques de tissus tumoraux (obtenues par biopsie p.ex.) sont de plus en plus utilisés pour déterminer si des mutations spécifiques existent dans une tumeur donnée. Ces mutations pourront alors, le cas échéant être ciblés par des médicaments agissant directement sur ces mutations. Dans ce contexte on parle de thérapie ciblée dans le cadre d’une approche de médecine personnalisée. 

Message personnel du Dr Daniel Stieber :

  1. Être attentif à des formes précoces de cancer du sein ou à un contexte familial évoquant une agrégation familiale de cancer. Ne pas hésiter à aborder ce sujet avec son gynécologue ou oncologue. La consultation d’une médecine spécialisée en génétique peut être d’une grande utilité dans un tel scénario. 
  2. La génétique est d’une importance grandissante dans le contexte de l’analyse moléculaire approfondie des tumeurs et de la médecine personnalisée.  De plus en plus de thérapies anticancéreuses sont ciblés sur altérations tumorales spécifiques et permettront dans le futur, d’améliorer la prise en charge des patients. 

Merci beaucoup Docteur Stieber pour toutes ces explications fournies, et votre travail important dans la lutte contre les cancers.

*ADN :Définition doctissimo : L’acide désoxyribonucléique ou ADN, est le composé chimique constituant les chromosomes présents dans le noyau d’une cellule. C’est lui qui est responsable de la transmission des caractères d’une génération à la génération suivante, c’est-à-dire de l’hérédité. L’ADN porte l’information génétique nécessaire à toutes les fonctions cellulaires, y compris la synthèse des protéines. Il est constitué de sucre (désoxyribose), de phosphate et des quatre bases suivantes constituant « l’alphabet génétique» : l’adénine (A), la cytosine (C), la thymine (T) et la guanine (G).

L’interview a été réalisée par Mme Françoise Hetto-Gaasch, membre du comité d’Europa Donna Luxembourg.

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Tél. : 621 47 83 94

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